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Les réactions aux « événements » de Mantes-la-Jolie de 1991

On mesure, dans les réactions suivantes, à quel point les réactions politiques n’ont que peu changé, de même que la politique sociale. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, les embrasements réguliers des ex-cités ouvrières françaises se reproduiront en 2005 et en 2023, et on entendra de la part du pouvoir la même rhétorique de guerre civile, de stigmatisation d’un supposé « assistanat », de violence décomplexée et légitimée à l’égard des habitants des quartiers populaires. À bien des égards, le discours politicien lors des émeutes de banlieue des années 1980-1990, constitue la matrice de toutes les horreurs déshumanisantes que l’on entend dorénavant continuellement dans les médias, des éditorialistes aux hommes et femmes politiques de gauche, droite, centre et extrême-droite…

François Mitterand, président de la République, 9 juin 1991 : «Rien ne saurait justifier la violence gratuite au quotidien». Dans un message adressé au ministre de l’intérieur, M. Philippe Marchand, le chef de l’Etat demande à celui-ci de «renouveler, à l’ensemble des personnels de police, [sa] confiance, car je sais les conditions difficiles dans lesquelles ils exercent leur métier pour assurer la sécurité de leurs concitoyens».

Par télégramme, il s’adresse aux parents de la jeune policière tuée, Marie-Christine Baillet : «victime en service, Marie-Christine a droit à la reconnaissance des Français. Je rends hommage à son courage et à son sens du devoir. Je tiens à vous dire ma peine et ma grande tristesse devant le malheur qui vous frappe».

Pour SOS Racisme : »Il faut tout tenter pour l’enrayer [la spirale infernale]. Nous savons que ce sera extrêmement difficile, dans le contexte de chômage massif qui désespère les jeunes et le climat sécuritaire qui envahit les esprits. Mais il n’y a pas d’autre choix que d’engager un processus de dialogue si l’on ne veut pas en arriver aux franges de la guerre sociale.»

France-Plus: «Il faut une bonne fois pour toutes en finir avec les tolérances hypocrites qui rongent la société : tolérance vis-à-vis de certains policiers qui se conduisent comme des cow-boys, tolérance vis-à-vis de la facture en vies humaines qui s’alourdit au fil des week-ends, tolérance vis-à-vis de la misère et de la pauvreté qui sévissent dans les banlieues, tolérance vis-à-vis de groupuscules religieux qui manipulent impunément certains jeunes exclus sociaux.»

Le MRAP estime que «seules la concertation et l’action pour une nouvelle citoyenneté briseront la logique de l’amalgame entre immigration, chômage et délinquance exploités à des fins électorales».

Le ministre de la fonction publique, M. Jean-Pierre Soisson : «l’ordre public devait être assuré», se prononce pour une idée de Mme Cresson : le renforcement des « Martiens », ces jeunes aux épaulettes vertes qui font leur service militaire dans la police».

Michel Noir, maire de Lyon : «entre cinq et dix ans pour résoudre une crise urbaine qui est de l’ordre de grandeur de celles des agglomérations américaines il y a trente ans. […] C’est une cause nationale sur laquelle il n’y a pas à perdre son temps avec des affrontements politiques».

M. Le Pen craint des «convulsions qui s’apparenteront à la guerre civile». À propos des immigrés : «les pauvres chéris sont malheureux dans le béton». Mais, d’après lui, si ce béton existe, d’après lui, «c’est bien parce qu’il est arrivé en France, en vingt ans, six ou sept millions d’étrangers qui se sont imposés et qui n’étaient pas désirés».

D’après Le Monde, 11 juin 1991