Catégories
Mémoire

LES DEUX CLASSES

Article du journal libertaire « Le Balai Social, Tribune libre à tous les protestataires de l’Arondissement de Mantes », N°1, 15 décembre 1904

Que de choses à balayer! La société est souillée d’ignorance, pourrie d’impuretés. Elle sacrifie à la politique, s’agenouille aux pattes du veau d’or, se prosterne devant l’homme, s’entr’égorge pour l’étatisme terrestre et divin, j’entends, se livre des combats acharnés pour le gouvernement et l’Église.
L’État, l’exploitation des masses au nom de l’autorité laïque; la religion, l’immobilisation des consciences, le tic-tac des cœurs dans le vide.
Deux classes constituent l’humanité la classe patricienne et la classe plébéienne. Celle-ci nourrit celle-là.
L’une détient les matières premières, les instruments de travail; l’autre, encore trop faible pour s’émanciper intégralement, ne possède rien, quoique produisant tout.
La classe patricienne a le bonheur; la misère est la compagne du prolétariat.
La bourgeoisie ou, l’aristocratie jouissent, le peuple est décimé par le paupérisme.
L’autorité, la liberté, deux principes diamétralement opposés.
L’autorité consacre l’iniquité économique, la liberté rétablira l’équilibre social.
Le respect de la logique implique la disparition de l’autorité, l’amour de la liberté fait les énergies et les cœurs.
Une société basée sur la richesse et la pauvreté ne doit pas vivre.
De même que le livre pulvérisera le dogme, de même le droit à la vie déterminera la fin des inégalités factices.
Il est temps d’agir contre l’oppression.
La classe patricienne s’appuie sur la contrainte, repose sur l’arbitraire ; sans la puérilité, la faiblesse de ses victimes, elle mourrait de consomption.
Les producteurs n’ont pas à l’entretenir. Travailler est le lot de chacun. Pourquoi s’ébat-elle dans l’oisiveté pendant que ses dupes jettent le grain dans le sillon du labeur?
La destinée de l’individu n’est pas l’insécurité, le traînement du boulet-salariat, la souffrance corruptrice. Non!
Une voix faible encore, mais toujours grandissante, se fait entendre: Puisque les gouvernements sont des cadavres, qu’on les enfouisse!
Depuis trop longtemps l’homme est cloué au pilori, souffleté, torturé par toutes les forces mauvaises du sabre et du goupillon.
Vieux chiffons, vieux habits, vieux galons, défroques moisies, vermineuses.
A la hotte!
Balayons le vieux monde où trône cyniquement le capital.
Pour cette œuvre, cuirassons-nous de volonté.

Antoine ANTIGNAC.

Image Maitron