Le mouvement a bien repris après les congés scolaires, et c’est l’Assemblée de lutte du Mantois, collectif interpro, intersyndical et GJ, qui continue d’être le principal acteur de la lutte, devant les syndicats. Les actions et initiatives se sont multipliées, le collectif est soudé, mais ni le nombre, ni le rapport de forces ne sont là pour l’instant. Et la fatigue se fait sentir.
Pendant les congés scolaires, l’Assemblée de lutte est restée active : 2 manifestations locales, la rédaction et diffusion d’une tribune locale présentée en conférence de presse et surtout l’organisation d’une journée de fête et de soutien aux grévistes le 5 janvier, marquant l’anniversaire du mois du mouvement. Cette soirée très réussie a permis renforcer les liens entre toutes les composantes du collectif, et de récolter une belle somme pour la caisse de grève des cheminots.
Après les congés, une bonne dynamique a repris, avec un noyau dur de cheminots, d’enseignants grévistes et de Gilets Jaunes dans l’organisation des actions, manifestations… Des blocages ont permis de faire monter un peu le niveau de conflictualité, qui était redescendu avec l’habitude prise de déclarer les manifestations. Le dépôt des bus qui font Mantes – la Défense (et dont le trafic a doublé pour compenser la grève du rail) a été bloqué deux fois en heure de pointe la même semaine : la première par des Gilets Jaunes et des cheminots et la deuxième par les enseignants et les Gilets Jaunes. Les chauffeurs étaient plutôt solidaires, mais ne rejoignent pas le mouvement. Le port autonome de Limay-Porcheville – un des gros centres industriel du Mantois – a aussi été bloqué par les grévistes et GJ. Ne serait-ce qu’en 40 min de blocage de camions, on avait presque 10 kms de bouchons dans l’agglomération, et un bon soutien des transporteurs. Dans les deux cas, la police s’est fait relativement discrète, voire absente. Cela est aussi malheureusement révélateur du fait que ces blocages restaient assez symboliques et limités. Pour mettre sérieusement le boxon, dans la région, nous aurions aimé bloquer simultanément les 3 dépôts de bus « briseurs de grève » de la vallée de Seine, ou organiser un blocage dur du port autonome, mais il aurait fallu pour cela des effectifs bien plus grands et une coordination départementale, ce que les syndicats n’ont jamais daigné contribuer à construire, et que nous étions trop faibles pour organiser. Autre faiblesse, notre département des Yvelines est le grand absent des coordinations franciliennes (éducation ou interpro), à cause de la distance à Paris d’une part, et à cause des petits effectifs des milieux militants d’autre part.
Le paradoxe de cette séquence depuis la fin des congés est que des personnes assez peu impliquées auparavant dans la lutte, ont participé de plus en plus à des actions « offensives » (blocages, bordélisation des vœux de la directrice de l’hôpital, recouvrement de la permanence LR – la mafia locale – d’autocollants) en même temps que des GJ prenaient de la distance avec l’Assemblée de lutte, y compris pour ces actions. Les AG interminables, la faible fréquence d’actions, l’absence de QG, et l’éclatement géographique de ce qui reste du groupe GJ y sont pour beaucoup. Même s’il a augmenté, le niveau de conflictualité locale n’arrive toutefois clairement pas au niveau de ce que le mouvement des GJ avait atteint l’année passée. A l’échelle départementale, la situation est semblable : il existe des AG interpro (souvent des intersyndicales ouvertes : Mantes, les Mureaux, Poissy), qui organisent actions et manifestations locales, mais assez faibles et dans l’ensemble non coordonnées, à l’image de la manifestation pour accueillir Macron à Versailles le 20 janvier, qui n’a réuni que 300 personnes, avec plus de CRS, et aucun débordement…
Malgré l’entrée en jeu notable de l’énergie dans le département (un dépôt de gaz en grève, entreprises de stockage et transport), la grève ne s’étend pas. Des actions plus symboliques sont organisées, comme les jets d’outils de travail devant les centres de pouvoirs ou sur le lieu de travail (devenues virales après les robes d’avocats), ou un « die-in » dans un centre commercial.
Le noyau dur de grévistes enseignants et cheminots a tenu bon aussi longtemps grâce à l’habitude prise de faire des va-et-vient entre les AG et tractages des uns et des autres, et aux 2 soirées de soutien. Il montre des signes de faiblesse aujourd’hui et la reprise du travail semble s’amorcer, mais si autant de choses ont pu être faites dans une région qui n’avait pas connu de mouvement social depuis longtemps, c’est de l’aveu de tous grâce au travail de coordination de l’Assemblée de lutte.
Les membres de l’Assemblée s’étonnent de sa force, comparée à celle des unions locales syndicales. Parmi ces dernières, la CGT et la FSU s’échinent à nous mettre des bâtons dans les roues en ne faisant pas suivre les infos, en posant des rendez-vous sur les nôtres, se dissociant à la moindre incartade « borderline » légalement… Cela a limité notre action et a renforcé le discours critique vis à vis de ces syndicats, sans entraver la volonté d’auto-organisation.
A Mantes, l’Assemblée participe de la reconstruction politique d’une zone où ce genre de combats et de débats avaient disparu, et c’est très positif. Plus de 10 manifestations de rue en 6 semaines, c’est du jamais vu ici ! La reprise du travail et le basculement d’une bonne partie de l’éducation en lutte vers le boycott du contrôle continu du bac Blanquer (E3C) risquent peut-être de signer la fin de l’Assemblée dans sa dynamique actuelle, animée pour beaucoup par des grévistes en reconductible prolongée. Mais les actions ne s’arrêteront pas, et l’envie de continuer ensemble, sur d’autres combats peut-être, est très marquée à cette date. L’agenda de la semaine à venir est chargé
Article initialement paru dans le mensuel Courant Alternatif, n°297 février 2020