Texte repris d’un tract CGT SPPTE RP – CGT Énergie 78 du 1er octobre 2025, à l’occasion d’une visite de la centrale de Porcheville.
Avec la fermeture de la centrale fuel de Porcheville B (PoB), c’est un demi siècle d’histoire de la production énergétique qui disparaît du paysage mantais.
Des histoires, le personnel et la CGT en ont beaucoup à raconter : du côté social, de la défense du service public et de l’emploi, de la lutte contre les discriminations, de solidarité avec les salarié-es prestataires et même de solidarité internationale !
Les luttes
L’histoire de la centrale Porcheville jusqu’à nos jours est l’histoire de luttes de classe !
Longtemps qualifiée de village gaulois ou de centrale « rouge », la centrale PoB et son personnel ont marqué la région du sceau de nombreuses luttes.
Défense du service public, contre la privatisation, conditions de travail, emplois, préservation du site face aux projets des directions de fermeture ou de réduction d’activité. Certaines années ont eu une résonance particulière : 1982 contre le retrait d’exploitation de l’unité de production numéro 2,
1993 contre la fermeture de la moitié du site, décembre 95 pour la protection sociale, printemps de l’énergie des années 2000 contre la privatisation, 2003-2010 pour les retraites.
Les nombreuses luttes pour la sauvegarde du site et pour l’emploi dans l’intérêt de la région mantaise en lien avec les prestataires, la population et les élu-es locaux.
Valene
Qui se souvient de l’immense bagarre menée par la CGT avec le soutien de nombreux élu-es locaux en faveur de l’implantation d’une usine d’incinération des ordures ménagères sur le site de l’ancienne centrale charbon ? Années 90, la construction de ce type d’usine de traitement est en projet et répond à un besoin. La CGT le défend sur tous les tableaux (environnementaux, économiques, sociaux, techniques…) elle revendique son implantation sur les terrains de l’ancienne centrale charbon et sa construction et son exploitation par EDF (forte d’une expérience en la matière avec sa filiale TIRU Traitement Industriel des Résidus Urbains) avec du personnel sous statut EDF.
Finalement c’est le groupe CGE (Véolia) qui sera choisi et l’usine verra le jour en face de la centrale à Guerville. Quand on connaît les déboires de cette usine récemment fermée, on peut se demander si la CGT n’ avait pas raison dans son choix de confier le projet au service public EDF ! Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
La CGT de la centrale se mettra aux cotés des salarié-es de Valene plutôt qu’en concurrence avec eux. En lien avec l’Union Locale Cgt de la région mantaise elle mandate un des employés de Valène, syndiqué CGT, comme délégué afin de défendre les intérêt des personnels et de porter une vision du service public dans le domaine du traitement déchets. Le délégué CGT est licencié sur le champ. Le salarié ne baisse pas les bras, la justice est saisie, la CGT se porte partie civile. Au final les prud’hommes exigent la réintégration du salarié à son poste de travail et c’est accompagné d’une délégation CGT, sous les yeux ébahis de ses collègues et sous les flashs de la presse locale que le salarié reprendra son poste de travail à Guerville où il terminera sa carrière. Bel exemple de la nécessité du syndicalisme et de la résistance !
Décembre 95
Sûrement le mois de luttes le plus intense de toute l’histoire de la centrale occupée 24/24 par les salarié-es avec piquet de grève comme en 36.
La production maintenue à zéro, une prise en charge collective des installations, de la gestion de la lutte et de l’organisation, une situation quasi insurrectionnelle qui avait fait titrer à la CGT dans un communiqué : « La centrale est à nous ! ».
Exacerbée, la direction assigne 4 militants CGT en référé au TGI de Versailles et demande la levée du piquet de grève sous astreinte financière. La justice donnera raison aux grévistes : piquet de grève et arrêt de la production sont reconnus comme étant conformes à l’exercice du droit de grève !
En rage, la direction se vengera en sanctionnant en interne plusieurs militants CGT traduit en commission de discipline. Finalement la justice exigera la levée des sanctions confirmant les droits des grévistes.
Polonais
En 2005 -2006 à l’occasion du gros chantier de rénovation d’une chaudière, une quarantaine de chaudronniers polonais de l’entreprise ZREW intervient en tant que sous traitant d’Alstom, retenu par EDF. L’action de la CGT vers les travailleurs polonais permet de révéler un véritable scandale de dumping social organisé. Les salariés polonais sont sous payés et surexploités, entassés dans des logements sociaux où ils dorment à même le sol sur des matelas de fortune . La CGT engage une action en justice avec un des salariés polonais. Dans son verdict la justice décide que le droit social français s’applique, la société polonaise est condamnée à payer les rappels de salaires. C’est une victoire pour tous les salarié-es de la sous traitance, une victoire contre le dumping social et contre les tenants de l’Europe libérale qui ne pensent qu’à niveler par le bas les acquis sociaux.
Me too !
Suite à l’affaire Weinstein, la parole se libère au sujet du harcèlement moral et sexuel que subissent les femmes y compris dans l’entreprise. Mais ce ne fut pas toujours le cas, et il aura fallu beaucoup de courage à une salariée du site il y a quelques années pour se confier au CHSCT afin de dénoncer les agissements de harcèlement moral et sexuel perpétrés par un cadre de la centrale. Plusieurs autres femmes se confieront également. Les élu-es CGT au CHSCT informent la direction qui saisit l’inspection du travail dont les conclusions de l’enquête confirmeront certains des agissements. Le cadre sera éloigné du site par mutation mais ne passera même pas en commission de discipline (contrairement aux grévistes de décembre 95!). La principale victime obtient réparation aux Prud’hommes, mais il lui faudra attendre des années pour être enfin reclassée dans un poste et un emploi lui permettant de reprendre sereinement son activité.
Amiante
Toujours présente en masse à la centrale ce matériau aura empoisonné de nombreux salariés EDF et prestataires. Des expositions accidentelles de salariés ont eu lieu jusque dans une période très récentes.
Trop longtemps, l’état, les pouvoirs publics ont capitulé face aux lobbys de l’amiante. Trop longtemps les directions EDF ont négligé la protection des salarié-es ou ont nié l’exposition à ce matériau. Trop longtemps nous avons eu à nous confronter à des managers locaux qui priorisaient la rentabilité et la rapidité plutôt que la protection du salarié sur le chantier. De nombreux collègues de la centrale sont empoisonnés et subissent la maladie, un de nos collègues est décédé en 2005 des suites de la maladie, à l’âge de 53 ans. De nombreuses demandes en justice ont permis d’obtenir réparation mais elles ne remplaceront jamais la perte de la santé ou celle d’un être cher. Cela doit nous guider dans nos réflexions sur d’autres produits dangereux actuellement dont on tente de nous faire croire qu’ils ne le sont pas !
L’histoire n’est pas finie
Après l’annonce de fermeture de la centrale (contre toutes attentes et dans un délai record), la CGT a immédiatement réagi : conférence de presse publique en mai 2016, rencontre avec les élus, les pouvoirs publics, puis table ronde en sous préfecture. La CGT continue à défendre la vocation énergétique du site. A l’heure où le gestionnaire du réseau nous alerte sur des possibles coupures d’électricité, la construction de nouveaux moyens de production décentralisés sur le site de Porcheville est à l’ordre du jour. Pour la CGT ces nouveaux moyens doivent être partie intégrante d’un service public nationalisé en respectant l’excellence environnementale indispensable de nos jours et avec du personnel sous statut offrant des garanties contre l’arbitraire.

